mardi 26 janvier 2010

Aghion et l'innovation


Aujourd'hui, nous allons commencer par voir un article de Philippe Aghion : "Growth with Quality Improving Innovations"



Le modèle de base

L'économie possède 3 types de biens : le travail, un bien de consommation et des biens intermédiaires. Le temps est discret.

La fonction de production est de la forme :



xit représente les biens intermédiaires (au nombre de m), L représente le nombre d'individus travaillant et enfin Ait représente la qualité des biens intermédiaires.

Ait peut évoluer grâce aux innovations. Si une innovation a lieu, Ait = γ Ai,t-1

Les innovations apparaissent sous la loi suivante :



μit représente la probabilité qu'une nouvelle innovation arrive, nit représente le nombre de chercheurs employés divisé par Ai,t-1 (en effet, plus le niveau d'innovation est élevé plus il devient diffile d'innover) . Λ est simplement un paramètre.

Nous pouvons maintenant calculer le taux de croissance de Ait noté g



En effet g = Λ f(n)γ + (1-Λ f(n)) - 1, c'est à dire la somme de (la probabilité d'avoir une innovation * γ) et de (la probabilité de ne pas en avoir * 1)

Nous avons une équation de « recherche » où le gain marginal de la recherche doit être égal à son cout marginal. Le raisonnement est simple : une entreprise aura toujours tendance à embaucher un chercheur supplémentaire si le gain espéré est plus élevé que le cout de cette embauche.


La gain marginal c'est le profit attendu multiplié par la probabilité d'avoir une innovation;

nous prenons la probabilité marginale; cela donne l'équation :




Cette équation nous permet de déterminer n le nombre de chercheurs.

On admet que le fait d'innover procure a la firme innovante un avantage en terme de cout : les concurrents peuvent copier le bien a la meme qualité mais cela leur coutera χ fois plus.


Un modèle de transfert de technologie

Plaçons nous dans un contexte international et supposons l'existence de h pays. Ici on considère la frontière globale At : le niveau d'innovation pour tous les pays.

On définit μ comme la probabilité d'avoir une innovation quelque soit le pays concerné : c'est tout simplement la somme des probabilités d'avoir une innovation dans un pays.

Donc Ait = γ Ai,t-1 avec la probabilité μ et reste à Ai,t-1 avec la probabilité 1- μ

Plaçons nous dans un pays quelconque. On définit la distance à la frontière de ce pays de la manière suivante :


dt = ln (Ait/ At)

dt reste égale à dt-1 s'il n'y a pas d'innovation nulle part, dt devient nul s'il y a une innovation dans le pays considéré et dt = dt-1 + ln γ s'il y a une innovation dans un autre pays.

Intéressons nous à la distance espérée que l'on peut écrire (il s'agit simplement de l'esperance mathématique) :



Si μ >0, cette équation à un seul point unique. Cela veut dire que si un pays emploie un nombre n de chercheurs constant, sa distance à la frontière va finir par se stabiliser. Si μ = 0, par contre, l'espérance de dt diverge vers l'infini car l'innovation est une condition nécessaire pour qu'il y ait transfert de technologie.

En effet, si un pays n'innove pas, sa distance à la frontière ne fait que s'accroitre. Lors d'une innovation, la distance à la frontière devient 0, le pays assimilant donc les innovations des autres pays ayant été effectuées précédemment.

Cela est vrai si f'(0) tend vers l'infini, f étant la fonction mentionnée au début permettant de calculer μ.



Impact de χ suivant la distance à la frontière

Rappel : On admet que le fait d'innover procure a la firme innovante un avantage en terme de couts : les concurrents peuvent copier le bien a la même qualité mais cela leur coutera χ fois plus.

On reprend le même cadre international avec une frontière commune à tous les secteurs notée Ait

Ici, admettons que la frontière globale augmente à toutes les périodes suivant :

Ait = γ Ai,t-1

Distinguons 3 types de secteurs : le secteur j ayant Aj,t-1 = At-1-j

Autrement dit, plus j est élevé, et plus la distance à la frontière est grande.

Les firmes appartenant aux secteurs 0 ou 1 peuvent investir dans la recherche en fournissant des efforts de la forme : Ils ont une probabilité d'innover égale à μ si ils investissent 0.5 γ Ai,t-1 μ²

L'innovation est supposée automatique dans le secteur 2. La distance à la frontière est ici limitée.

Intéressons nous aux firmes de type 1 : Il est logique de penser que pour les firmes de type 1, un χ plus petit, et donc une compétition plus grande, réduira les incitations à l'innovation pour les firmes de type 1.

Pour les firmes de type 0, les choses se compliquent :

Elles ont au départ Ai,t-1 = At-1

Si elles innovent, Ai,t = At et sinon Ai,t = At-1

Si la firme innove, aucune autre firme ne peut produire le bien a la qualité At. En effet, pour les firmes de type 1, si elles innovent, elles se retrouvent à produire de la même qualité que des firmes de type 0 qui n'ont pas innové mais elles ont un avantage en terme de couts sur elles .

Mais une firme de type 0 qui innove, n'aura personne qui pourra produire de la même qualité qu'elles. Elle est donc en situation de monopole sans contrainte et son profit ne dépendra plus de χ .

Par contre une firme de type 0 qui n'innove pas, son profit évoluera dans le même sens que χ. Donc une augmentation que χ augmentera le profit d'une firme qui n'innove pas et donc réduira les incitations à l'innovation.

Donc globalement une augmentation de χ aura des effets négatifs sur l'incitation à l'innovation d'une firme de type 0.

Voilà un papier qui permet de bien réfléchir sur l'innovation et sur l'impact du monopole qui peut en résulter.

A suivre : un billet sur la comparaison Europe-USA qui a été mise d'actualité par Krugman



mardi 12 janvier 2010

Le multiplicateur dans la peau

Tout allusion a un titre de film est purement forfuite.


Aujourd'hui nous allons voir un papier récent de l'illustre Paul Krugman qui s'appelle « The financial multiplier » parut en octobre 2008.

Prenons un actif risqué dont le prix est q et qui est disponible en quantité A

Distinguons deux types d'investisseurs différents :

l'investisseur lambda et ceux que l'on appelle les “Highly Leveraged Institutions (HLIs)

La demande pour l'actif en ce qui concerne les investisseurs lambdas est classique : elle est décroissante du prix

G = G(q) où G' < 0

En ce qui concerne les HLIs les choses sont très différentes. Supposons que les HLI possède N actifs risqués. On prend le capital net E = qN – D où D représente la dette

Supposons que la valeur maximale qu'ils peuvent demander de l'actif est un ratio lambda du capital net




Donc la quantité demandée est obtenue en multipliant lambda par E et en divisant par q






Et ici on s'aperçoit donc que la quantité d'actif demandée varie dans le meme sens que le prix des actifs. Et c'est ainsi qu'apparait le multiplicateur : une baisse de la demande entraine une baisse du prix des actifs qui va elle meme entrainer une baisse de la demande... Et ainsi de suite ....


Maintenant on peut passer à deux pays. Le capital net devient : qN + q'N' - D ( où q' désigne le prix de l'actif dans le pays étranger et N' le nombre d'actifs détenus dans le pays étranger) Supposons que les investisseurs désirent une partie ��alpha de leur actif risqué à domicile et 1-��alpha à l'étranger On peut réecrire lambda de deux façons







et on obtient les fonctions de demande










Évidemment les fonctions de demande sont complémentaires. Supposons une hausse de q : on s'aperçoit que cela augmente la demande d'actifs étrangers. Cela crée donc un canal de transmission des prix des actifs. On obtient un diagramme de ce genre, où HH désigne la demande des actifs domestiques et FF la demande des actifs étrangers


















Quelles sont les répercussions sur la politique pour Krugman ? Et en particulier sur la gestion de la crise des subprime ? Tout d'abord imaginons un choc négatif dans un pays, qui fera baisser le prix des actifs. Cette baisse se transmettra via le canal vu au dessus dans les autres pays. Graphiquement cela revient à avoir un décalage de HH vers la gauche

















Pour Krugman, c'est ce canal qui a principalement joué lors de cette crise.

Cela implique que pour lui le problème de la crise n'est pas un problème de liquidité mais un problème de capital.


PS : évidemment bonne année à tous !