jeudi 19 novembre 2009

Epidémiologie et finance

Il m'est venu une idée aujourd'hui même. Avec la faillite de Lehman Brothers, nous avons vécu un risque de crise systémique.

Par le passé, j'ai travaillé sur des modèles mathématiques d'épidémiologie et il m'est venu l'idée d' essayer d'adapter ces modèles à la finance. Les modèles d'épidémiologie nous permettent de répondre toujours aux mêmes questions : à quelle vitesse se propage l'épidémie ? Combien de personnes seront infectées ? Comment stopper cette propagation ?

Ici on peut transposer le problème à comment éviter qu'il y a propagation des problèmes de liquidité ou des faillites etc., et quelles sont les actions gouvernementales pour éviter cela. L'idée m'est venue parce que dans les deux cas (maladie, finance), il y a bien un phénomène de "propagation".

Pour cela, nous allons d'abord voir comment une épidémie est modéliser

1 Le modèle SIR

Le modèle de base en épidémiologie est appelé SIR. Prenons une population d'individus quelconques (cela peut être des humains, des animaux ou ... des banques). Admettons que ces individus peuvent avoir trois statuts :

le statut S pour « sain »
le statut I pour « infecté »
le statut R pour « recovered » (ie : guéri)

Le parcours classique d'individu étant S->I->R (l'individu sain devenant malade puis guérissant).
Le principe du modèle consiste à dire comment un individu passe du statut S au statut I et du statut I au statut R.

Nous allons nous limiter au passage de S à I pour le moment.

Si nous modélisons la propagation d'une épidémie, il y a deux façons de modéliser ce passage :

a) le modèle déterministe

Nous allons écrire comment dI/dt varie dans le temps.
On prend simplement b * S(t)* I(t), où b représente un paramètre à déterminer.

Autrement dit, le nombre d'individus nouvellement infectés est proportionnel à S*I qui est le produit du nombre d'individus sains par le nombre d'individus infectés. Pourquoi ? C'est simple, plus il y a de contacts entre des individus sains et infectés, plus il y aura de transmissions. Et il semble raisonnable de penser que plus il y aura des individus des deux sortes, plus il y aura de contacts entre eux.

b) le modèle stochastique

Ici on considère qu'il y a un nombre i d'individus infectés. Il suffit de tirer dans une loi de probabilité le temps auquel sera infecté le i+1 ieme individu. On prendra soin que le paramètre S*I apparaitra dans cette loi, pour reprendre l'hypothèse précédente du modèle déterministe.

Il suffit ensuite de définir les conditions initiales et comme nous savons comment les catégories évoluent dans le temps, nous avons donc tous les éléments pour voir la propagation.

Comment vous pouvez le constater ces modèles sont relativement simples. Par la suite, on pourra introduire certains concepts (comme le Ro) et étudier leurs propriétés (là ce sera plus compliqué). Mais pour le moment, restons à des choses simples pour voir si on peut transposer ces modèles à la finance.


2 Adaptation à la finance

Ici il suffit de prendre les banques comme individus et de dire qu'une banque possède un statut F pour faillite et S pour sain. Il faut donc modéliser le passage d'une banque de F à S.

Comment faire ? J'avoue que je n'ai pas encore de réponse toute faite.

Il faut d'abord se poser la question : Quels sont les mécanismes de propagation ?

Il y a les modèles de bank-run (Diamond & Dybvig) qui pourront éventuellement nous servir.

Il y a 3 mécanismes de propagation référencés :

Un premier mécanisme de contagion possible est l’effet richesse : si de grands investisseurs (comme les banques) perdent beaucoup d’argent sur certains marchés financiers, ils peuvent être amenés à solder brutalement leurs positions sur d’autres marchés, soit parce que leur capacité de prise de risque diminue du fait de la réglementation ou de leur pratique de la gestion des risques, soit simplement parce qu’ils sont moins disposés à prendre des risques. Cela peut provoquer une chute des cours, une baisse de la liquidité des marchés et un accroissement de la volatilité.
Un second mécanisme est celui des effets externes informationnels : la fermeture d’une banque peut amener les gros déposants d’une autre banque à retirer leurs dépôts, parce qu’en l’absence d’information précise, ils révisent à la baisse leur estimation de la qualité des actifs de leur banque (par exemple parce que cette qualité est corrélée positivement avec celle des actifs de la banque en faillite). Une autre possibilité est que la fermeture de la première banque signale que les autorités bancaires ont décidé d’être plus strictes. Cela fournit des arguments en faveur d’une meilleure transparence du secteur bancaire : si les déposants avaient accès à une information précise sur la qualité des actifs de leurs banques, ils n’auraient plus aucune raison d’adopter un tel comportement moutonnier. Cette thèse a d’ailleurs été mise en application par le gouvernement néo-zélandais, qui a décidé de supprimer toute réglementation bancaire sous condition d’une parfaite transparence à l’égard des déposants.
Un troisième canal possible de propagation est le marché interbancaire. En autorisant les banques à se refinancer, le marché interbancaire permet à celles-ci de s’assurer contre leurs chocs de liquidité. Cependant, ces échanges interbancaires rendent le système bancaire plus fragile car les banques deviennent interdépendantes. Le développement des marchés interbancaires diminue ainsi la probabilité de faillite des banques individuelles en leur fournissant des liquidités en cas de besoin, mais augmente la fragilité du système bancaire dans son ensemble.



Il va falloir réfléchir à mettre ça en équation. A méditer ....

PS : la réponse au petit quizz du dernier billet était Cary Elwes, qui a notemment joué dans Princess Bride

dimanche 8 novembre 2009

Entracte

Avant le prochain billet, juste un petit quizz. Histoire de s'aérer les méninges.

quel est l'acteur sur cette photo ? Et surtout dans quoi il a joué ?

Indice : image tiré du film Saw
















Réponse dans le prochain billet. Mettez les réponses en commentaire. Interdit de googler.

mercredi 4 novembre 2009

Chaos en finance – Première approche de « La Bête »

J'ai décidé d'appeler « La Bête » le problème mathématique abstrait qui consiste à vouloir modéliser les variations des prix spéculatifs. Cette bête, nous allons d'abord l'étudier puis la chasser la traquer, la capturer, la disséquer et enfin l'empailler.

Tout d'abord, avant de l'attaquer il faut un peu la connaître. Donc, dans ce premier billet, nous allons voir quelques notions sur le hasard et ce que savent les mathématiciens dessus.

Déjà les mathématiciens font la distinction entre différents types de hasard.

Les trois types de hasard

Le premier est celui que l'on dénomme le hasard bénin. Prenons une expérience simple : un lancer de pièces avec la probabilité d'avoir Pile avec 0.5 et de même avec Face. Après quelques lancers, vous pourriez très biens avoir une très grande majorité de Pile par exemple; ou bien 2/3 de Pile et 1/3 de Face etc. Autrement dit, vous pourrez avoir toutes les combinaisons possibles. Mais si vous effectuez un grand nombre de lancers, on constate que l'on finira par avoir une proportion égale de Pile et de Face. Donc en quelque sorte, le hasard « disparait ».

Il y a maintenant le cas du hasard lent. Ici, par le même procédé, le hasard disparaît mais pour cela il faudrait avoir un très grand nombre de lancers. Si grand que cela ne pourrait pas se voir dans la réalité (pour reprendre l'exemple précédent, personne n'effectue un millions de lancers de pièces).

Et puis il y a le hasard sauvage, où même lorsque l'on effectue un grand nombre de lancers, on peut avoir toutes les combinaisons possibles. Le hasard ne disparaît pas.

Le paradoxe de la valeur probable

Illustrons ce paradoxe avec un exemple. Imaginons un pays avec dix milles lacs, de taille différente.
Le r-ième lac a une taille de 100/racine(r). Dans ce pays, il y a une forte brume ce qui fait que l'on y voit qu'à un kilomètre.
Des gens s'engagent sur un lac sans savoir quelle est sa taille. Ils font systématiquement une estimation de la distance qu'il leur reste à parcourir. Et surprise, plus ils parcourent de distance, plus leur estimation de la distance qu'il leur reste à parcourir augmente. Pourquoi ? C'est simple, l'estimation est en fait la somme pondérée des distances qui restent à parcourir suivant les lacs considérés. Sauf que au fur et à mesure, ils savent qu'ils ne sont pas sur les lacs les plus petits et donc ces derniers disparaissent de la somme. Ce qui fait que les lacs les plus grands prennent de plus en plus de poids.

Mathématiquement cela donne :

Soit une variable aléatoire U avec Pr(U> u) = u^(-a). Supposons que l'on sait que U est supérieur à h ( h étant la distance parcourue dans l'exemple précédent). La distance restant à parcourir devient donc U-h. On peut calculer que l'espérance de U-h est proportionnel à h. On retrouve bien le résultat précédent : quand h augmente, l'espérance de la distance à parcourir augmente.

Quel est le rapport avec la finance ? J'y arrive.

Beaucoup de variables exogènes en économie ont une distribution de la forme Pr(U> u) = u^(-a).
Admettons que l'on sait que U est supérieur à h. Donc la valeur probable de U-h sera proportionnel à h. Le prix suivra donc des changements en les amplifiant. Cependant tôt ou tard, on finit toujours par connaître U parfaitement. A ce moment le prix subit une correction brutale égale aux anticipations non réalisées.


Les distributions L-Stables

La modélisation la plus simple consiste en une marche aléatoire : la variation des prix suit une loi gaussienne. Mais on constate que les lois gaussiennes sont de piètres qualité pour modéliser la finance.

On sait très bien qu'une somme de deux distributions gaussiennes donne une distribution gaussienne . On parle de distribution L-Stable pour une distribution, qui sommé avec une distribution de la même forme reste de la même nature. Nous avons besoin de cette propriété de stabilité en finance.

Cauchy et Lévy ont travaillé sur ce problème. On sait maintenant qu'il y a des distributions qui vérifie cette propriété ayant une densité de probabilité : intégrale de 0 à x de 1/pi * exp(-u^a) cos(u*x)du.

Un autre problème est posé : Soit une suite Xn de distributions de même nature, on se demande s'il existe deux fonctions A(n) et B(n) telles que la distribution

1/A(N) * somme( Xn, n=1..N) – B(N)

soit de la même nature que les Xn.


« Effet Noé » et « Effet  Joseph »

Lorsque le hasard n'est pas bénin et que le défaut de convergence est dû à quelques valeurs, on parle d' « Effet Noé ».
Lorsqu'un hasard n'est pas bénin et que le défaut de convergence est dû à l'interdépendance statistique , on parle d' « Effet Joseph ».

Ces deux effets sont essentiels en finance. Nous le verrons lors de prochains billets.