mardi 9 février 2010

Being Jack Bauer


J'étais en train de regarder des épisodes de la série 24 et cela m'a donné envie d'écrire des billets sur le sujet. Il faut savoir que cette série est un petit bijou de propagande de la dernière administration américaine : sentiment patriotique exacerbé, justification du droit d'ingérence dans d'autres pays et d'une intervention armée, valorisation des soldats qui risquent leur vie .... Mais surtout, le point qui va nous intéresser, il y a une justification récurrente de méthodes douteuses et en particulier de la torture pour arriver à combattre le terrorisme.

Un bout de conversation au hasard donne le ton :
-«on enfreint une cinquantaine de règlements fédéraux rien que par notre présence ici »
-« des milliers de vies sont en jeu vous en avez conscience ? Où on contourne quelques règles où on perd cette chance »

Ce qui est d'intéressant dans les épisodes, c'est que les personnages reconnaissent que oui ce sont des méthodes douteuses mais que voilà, il y a des enjeux, le temps presse et que donc pas le choix. Mais le meilleur, c'est qu'à chaque fois, ça marche. La torture permet d'avoir des informations, le fait de contourner les règles permet de coincer les méchants etc.

Maintenant posons le problème : vous êtes un agent de la CTU (Counter Terrorist Unit) et vous devez faire parler un type dans un laps de temps limité.

Abordons le problème de manière froide, cynique, calculatrice, dénuée de sentiments. Bref, abordons le problème comme le ferait un économiste digne de ce nom.

Déjà, nous nous basons sur des hypothèses fortes :

nous supposons que le type en question possède des renseignements; or il s'avère dans de nombreux cas que les américains ont coincé des types et les ont torturé alors qu'ils n'avaient pas grand chose à voir avec des activités illégales.

Il s'agit donc pour le gouvernement d'un problème d'optimisation, comme toujours en microéconomie : le gouvernement va essayer de minimiser les coûts de la torture et de maximiser les renseignements obtenus.

Commençons avec la minimisation des coûts obtenus :

On torture le type jusqu'à ce qu'il craque. Bien entendu, comme nous sommes des économistes, nous sommes pingres. Et donc nous râlons déjà, parce que torturer n'est hélàs pas gratuit. Pour peu que la personne soit réticente à avouer, il va falloir divers instrument, du temps, voir même payer du personnel qualifié pour le faire.
On peut même aller encore plus loin : imaginez un peu que tout le monde apprenne vos pratiques. Alors là c'est pas joyeux joyeux non plus : il va éventuellement falloir répondre de vos actes devant la justice, payer des avocats etc. En plus, cela va probablement détériorer vos relations avec d'autres pays ( les personnes détenues sont souvent de nationalité étrangère...^^).

Puis passons à la maximisation des renseignements obtenus :

Supposons que le prisonnier obéit à une fonction d'utilité U

Mais dans ce problème, il y a aussi un problème important, celui de l'asymétrie de l'information. Comme déjà dit, on n'est pas sur que ladite personne soit effectivement membre d'une organisation et même si c'est le cas rien ne dit que les informations qu'elle révèlera seront exactes.

Comment l'économiste résout ce problème ? Dans les autres cas d'asymétrie d'information, il est fait en sorte que l'utilité de la personne est plus élevée si elle se comporte de la manière souhaitée.
Autrement dit, il faut que l'individu trouve un avantage à révéler des informations fiables.

Comment faire en sorte qu'un terroriste trouve avantage à “balancer” ? Pas simple me direz-vous.

Formellement cela se traduit par
U( donner les informations utiles) > U ( se taire ou faire de la désinformation )

Mais remarquez qu'on a franchement du mal à imaginer en quoi la torture permettrait d'arriver à cette inégalité.

Je n'ai évidemment pas de réponse toute faite mais cela dit poser le problème de cette façon est déjà un premier pas.

Je vous recommande deux films :

Le film “Détention secrète” avec Jake Gyllenhaal, où un ingénieur chimiste se fait arreter, torturer, et finit par avouer des choses .... alors qu'il n'avait rien à se reprocher.
Mais surtout le film “the Road to Guantanamo” de Michael Winterbottom. C'est un docu-fiction : une reconstitution de l'histoire vraie de 3 personnes qui se sont rendues en Afghanistan et se sont retrouvées au milieu des combats; Elles ont fini par se faire arrêter et ont été emmenées à Guantanamo. Eux aussi des citoyens ordinaires. On y voit une belle reconstitution des conditions de détention. On y apprend aussi que la plupart des détenus n'ont pas été jugé, et ont peu de charges qui sont retenues contre eux. Finalement, les 3 personnes seront libérées après 2 ans et demi de détention. Elles n'avaient aucun lien avec une activité illégale, quelle quelle soit.

Donc pour finir, une conclusion évidente mais visiblement utile à rappeler, quand on ne respecte pas les droits des individus, on retombe dans le domaine de l'arbitraire et où on voit tout un chacun se faire accuser de tout et n'importe quoi.

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